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J’ai l’goût de vous parler… de création (encore)


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Définition générale du FLOW

Le flow est un état mental dans lequel une personne est entièrement absorbée par une activité, au point de perdre la notion du temps, de se sentir parfaitement concentrée, engagée et alignée avec ce qu’elle fait. C’est un moment où l’action semble fluide, naturelle, presque sans effort, même si la tâche est exigeante.


Le flow est souvent décrit comme une forme de présence totale, où l’on atteint un équilibre entre défi et compétence — assez stimulant pour rester motivé, mais pas assez difficile pour provoquer l’angoisse.


Flow, sueur et ratures : ce qu’on ne dit pas assez sur la création...


On parle beaucoup du flow depuis quelques années. En art, en écriture, en théâtre, c’est presque devenu un mot magique. Ce moment où tout coule, où le temps disparaît, où on se surprend soi-même…On en parle comme d’un état de grâce.


Et c’est vrai que c’est un état précieux. On l’a tous connu, d’une manière ou d’une autre :


  • en écrivant un texte qui semble « s’écrire tout seul »,

  • sur scène, quand le corps, la voix, les silences se mettent à tomber juste,

  • en répétition, quand une idée surgit et que tout le monde sent : « ok, là, il se passe quelque chose ».


L’article de Keith Sawyer, Flow Alone Won’t Make You a Writer, vient brasser un peu cette image trop belle. The MIT Press Reader


Il ne dit pas que le flow est inutile. Il dit quelque chose de plus dérangeant : le flow ne suffit pas.


Quand ça devient plus difficile… c’est peut-être bon signe

Sawyer commence par citer Thomas Mann :

« Un écrivain est quelqu’un pour qui écrire est plus difficile que pour les autres. »

C’est presque cruel comme phrase. On se dit : « Mais voyons, si je suis fait pour ça, ça devrait être facile, non ? »


En fait, non. Plus tu deviens sérieux dans ta pratique, plus tu vois tout ce qui cloche. Tu développes une oreille, un regard, une exigence.


Et cette exigence fait mal. Elle complique tout. Mais elle te rend meilleur.


Pour le théâtre, c’est pareil :

  • Quand tu commences, tu es content d’apprendre ton texte et de le dire à peu près bien.

  • Avec l’expérience, tu entends chaque fausse note, chaque intention forcée, chaque moment où tu “joues” au lieu d’“être”.


Ce n’est pas que tu deviens moins bon. C’est que tu deviens moins dupe. Et donc, plus exigeant.


Flow : le moment où tu tombes en amour avec le projet


Sawyer rappelle que beaucoup de gens écrivent pour le plaisir, sans objectif de publication : journaux personnels, fanfictions, poésie, etc. Ils écrivent pour vivre ce fameux état de flow, par motivation purement intérieure.


C’est souvent le moment où on tombe en amour avec un projet. En création théâtrale, ça ressemble à :

  • la première intuition de spectacle,

  • la “première version” qu’on raconte à un ami,

  • la nuit où on remplit un cahier de notes et on se dit : « Ça y est, j’ai quelque chose. »


Sans ce moment-là, on ne se lancerait même pas. Donc le flow est nécessaire.Mais il n’est que le début de l’histoire.


Le reste du travail : des tableaux Excel et des corvées invisibles


Là où l’article est très honnête, c’est quand il parle de tout ce qui suit le moment d’inspiration :

  • les recherches,

  • la structure,

  • les réécritures,

  • les ateliers,

  • les coupes,

  • le fameux tableau Excel où tu suis tes personnages, tes chapitres, tes versions.


Ce n’est pas très glamour. Ce n’est pas du flow. C’est du métier.


La romancière citée par Sawyer résume ça merveilleusement bien en disant qu’elle n’a pas tellement « fait travailler ses muscles créatifs », mais plutôt « trimé dans un stage non rémunéré pour elle-même ».


En théâtre, ce stage non rémunéré pour soi-même, c’est :

  • répéter la même scène quinze fois,

  • retravailler un texte qui “fonctionnait” déjà, mais qui peut aller plus loin,

  • revoir le rythme, couper une tirade qu’on aime mais qui ralentit tout,

  • reprendre une mise en place parce que la lumière ou l’écoute du public ne suivent pas.


Rien de ça n’est du flow. Mais sans ça, il n’y a pas de spectacle abouti.


Pour les artistes (et les élèves) qui se découragent trop vite


Ce que j’aime dans ce texte de Sawyer, c’est qu’il casse une idée très répandue :

« Si c’est difficile, c’est que je ne suis pas fait pour ça. »

Au contraire. Parfois, si c’est difficile, c’est que tu commences enfin à travailler comme un artiste.


Pour un jeune auteur, un comédien en formation, ou même quelqu’un qui commence à créer à 40 ou 50 ans, ce message-là est important :


  • Ce n’est pas anormal d’avoir du mal.

  • Ce n’est pas anormal de détester certaines étapes.

  • Ce n’est pas anormal de se dire : « J’aimais plus ça, quand c’était juste dans ma tête. »


Mais si tu restes seulement dans la tête, tu n’auras jamais le livre, le spectacle, le conte, le projet qui existe vraiment dans le monde.


Réconcilier plaisir et discipline

Au fond, Sawyer ne dit pas :

« Oubliez le flow, seule la discipline compte. »

Il dit :

« Le secret, c’est la combinaison des deux. »

Le flow donne le feu. La discipline donne la forme.


En théâtre, on le voit très bien :


  • Un spectacle où il n’y a que du flow, c’est parfois sympathique mais brouillon, décousu.

  • Un spectacle où il n’y a que de la maîtrise, c’est propre, mais froid, sans vie.


L’idéal, c’est ce mélange :une structure solide, réfléchie, patiemment construite,dans laquelle, chaque soir, quelque chose peut quand même arriver pour vrai.


Ce que je retiens pour mon propre travail


De ce texte, je retiens trois choses que j’ai envie de garder comme repères :


  1. Si je cherche seulement le plaisir d’écrire, je ne finirai jamais rien. J’ai besoin, à un moment donné, de passer en mode artisan : couper, reprendre, organiser.


  2. Si je ne me laisse jamais porter par le flow, tout sera correct, mais rien ne sera vivant. J’ai besoin de ces moments où je perds la notion du temps, où le texte ou la scène m’embarque.


  3. Le fait que ce soit difficile est normal. Ce n’est pas une preuve d’incompétence. C’est souvent la preuve qu’on est en train de prendre l’œuvre au sérieux.


Et peut-être que c’est ça, au fond, être écrivain, créateur, ou artiste de scène : accepter que notre travail alterne sans cesse entre les moments où on vole et ceux où on monte l’échelle barre par barre, une marche à la fois.


— Stéphane Bélanger créateur du Théâtre du Mauvais Garçon


 
 
 

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