Vsevolod Meyerhold : Le corps mécanique et la poésie de la forme
- Le Théâtre du Mauvais Garçon
- il y a 4 jours
- 2 min de lecture

1. Contexte
Vsevolod Meyerhold (1874–1940) est l’un des grands metteurs en scène et théoriciens du théâtre russe. Élève de Stanislavski au Théâtre d’Art de Moscou, il s’éloigne rapidement de son maître pour explorer une voie radicalement différente. Là où Stanislavski cherchait la vérité intérieure, Meyerhold revendique un théâtre stylisé, formel, mécanique.
Dans les années 1910–1920, il devient un pilier de l’avant-garde soviétique, collaborant avec des artistes constructivistes. Il invente la biomécanique, une méthode d’entraînement corporel inspirée à la fois du cirque, du sport et de la commedia dell’arte.
Son destin est tragique : accusé de formalisme par le régime stalinien, il est arrêté, torturé et exécuté en 1940. Longtemps censurée, sa pensée resurgira après sa mort et influencera de nombreux metteurs en scène européens.
2. Idée-force
L’apport central de Meyerhold est la biomécanique.
Le corps de l’acteur est un instrument de précision, qui doit fonctionner comme une machine expressive.
Chaque geste se décompose en une séquence claire : intention → action → réaction → conclusion.
Le jeu repose sur le rythme, la coordination, l’efficacité, comme une chorégraphie.
L’acteur devient un sculpteur de l’espace, capable de créer des formes visibles, poétiques, stylisées.
Meyerhold refusait le naturalisme psychologique. Pour lui, le théâtre n’a pas à imiter la vie quotidienne, mais à inventer une langue du corps, codée et expressive.
3. Aspect critique
Meyerhold a ouvert une voie décisive vers un théâtre du corps et de la forme. Mais son approche soulève aussi des critiques :
Déshumanisation : certains reprochent à la biomécanique de réduire l’acteur à une machine, au détriment de la psychologie et de l’intériorité.
Formalisme : en privilégiant la stylisation, on risque de perdre l’émotion et la complexité des personnages.
Instrumentalisation politique : accusé de « formalisme bourgeois », Meyerhold a payé de sa vie son indépendance artistique. Son histoire rappelle que le théâtre n’est jamais hors du politique.
Malgré ces critiques, son apport reste majeur : il a rappelé que le théâtre pouvait être une forme visuelle et rythmique, pas seulement une introspection psychologique.
4. Exemple pratique
Exercice : La séquence biomécanique
Enseigner aux acteurs une courte séquence codée, par exemple : lever un bras → tourner le buste → frapper dans les mains → s’accroupir.
Répéter la séquence avec précision, rythme et coordination.
Intégrer cette séquence comme prélude ou ponctuation d’une scène jouée.
But recherché : développer la conscience corporelle, la discipline physique, et comprendre comment un geste stylisé peut générer une présence scénique forte.
5. Conclusion – Ouverture
Meyerhold a inventé une grammaire du corps, un théâtre de la forme et du rythme qui rompt avec le naturalisme. Son destin tragique rappelle aussi que le théâtre est un art politique, où la liberté de création peut être menacée.
Avec lui se clôt notre parcours des grands penseurs du théâtre du XXᵉ siècle : de Stanislavski à Brook, en passant par Strasberg, Adler, Michael Chekhov, Meisner, Brecht, Artaud et Grotowski. Chacun, à sa manière, a déplacé la question fondamentale : qu’est-ce que jouer ?
La conclusion de la série viendra reprendre ce fil, non pas pour choisir un « maître » unique, mais pour montrer comment ces pensées diverses constituent une constellation où chaque acteur, chaque créateur, doit trouver son propre chemin.



Commentaires