Antonin Artaud : Le cri, le choc et la cruauté
- Le Théâtre du Mauvais Garçon
- 7 oct.
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1. Contexte
Antonin Artaud (1896–1948) est une figure singulière du théâtre et de la poésie française. Acteur, écrivain, metteur en scène, il traverse les avant-gardes du début du XXᵉ siècle (surréalisme, cinéma, théâtre expérimental), mais reste inclassable.
Il publie en 1938 Le Théâtre et son Double, manifeste fondateur où il expose sa vision : le théâtre doit cesser d’être une imitation psychologique ou un simple divertissement. Il doit devenir une expérience radicale, une secousse vitale.
Artaud parle d’un théâtre de la cruauté, non pas au sens de la violence gratuite, mais comme une force nécessaire, un choc qui arrache le spectateur à son confort et le met face à des vérités essentielles.
2. Idée-force
Le cœur de la pensée d’Artaud : le théâtre est un langage sensoriel et corporel plus qu’un langage de mots.
Les mots ne suffisent pas : il faut convoquer le corps, le son, la lumière, l’espace.
La cruauté, c’est la nécessité de briser les illusions, de frapper le spectateur pour le réveiller.
Le théâtre devient une expérience totale, proche du rite ou du choc spirituel.
Artaud voulait que le théâtre retrouve une puissance comparable à celle des cérémonies religieuses ou des spectacles sacrés, capables de transformer profondément ceux qui y assistent.
3. Aspect critique
Artaud est admiré pour la force visionnaire de ses écrits, mais son projet soulève aussi de nombreuses critiques :
Un projet inachevé : il a plus écrit que réalisé. Ses rares mises en scène (par ex. Les Cenci, en 1935) n’ont pas convaincu.
Langage obscur : ses textes sont poétiques, fulgurants, mais souvent difficiles à saisir concrètement.
Risque de dérive : certains metteurs en scène ont récupéré son vocabulaire pour justifier des expériences violentes sans véritable réflexion artistique.
Pourtant, son apport reste essentiel : il a rappelé que le théâtre pouvait être plus qu’un spectacle narratif. Il pouvait être une expérience sensorielle et spirituelle qui secoue l’âme et le corps.
4. Exemple pratique
Exercice : Le cri et le corps
Demander aux acteurs de choisir une émotion simple (colère, joie, douleur).
Retirer les mots et n’utiliser que le souffle, les sons, les cris, les respirations pour exprimer cette émotion.
Laisser le corps accompagner ces sons : gestes, postures, tremblements.
Enfin, réintroduire quelques mots, mais portés par l’énergie brute du cri.
But recherché : libérer l’acteur du carcan du texte et explorer la puissance sensorielle du corps et de la voix.
5. Conclusion – Ouverture
Artaud a ouvert une brèche : celle d’un théâtre qui n’explique pas, qui ne commente pas, mais qui frappe. Un théâtre de sensations, de secousses, d’images brûlantes. Même si son projet est resté inabouti, il continue d’inspirer des formes qui cherchent à dépasser le simple récit pour toucher directement le spectateur.
Mais là où Artaud rêvait d’un théâtre-rite, d’autres ont choisi une autre voie : dépouiller le théâtre de tout excès pour revenir à l’essentiel, à la présence brute de l’acteur. C’est la voie radicale de Jerzy Grotowski, qui inventa le « théâtre pauvre » et plaça l’acteur au centre d’un art réduit à sa plus simple intensité.



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