J’ai l’goût de vous parler… de moi.
- Le Théâtre du Mauvais Garçon
- il y a 24 heures
- 2 min de lecture

Le théâtre, ça a changé ma vie.
Pas juste un peu.
Totalement.
J’viens d’un milieu très modeste, un monde où la culture, c’était pour “les autres”. Les riches, les instruits, ceux qui savaient parler sans chercher leurs mots. Moi, j’étais du côté de ceux qui regardent de loin. Ceux qui se disent : “C’est pas pour nous autres, ça.” Pis, honnêtement, j’y croyais un peu aussi.
Jusqu’au jour où j’ai rencontré une prof de français.
Une femme extraordinaire. Elle m’a montré que la culture pis la création, c’était aussi pour quelqu’un comme moi... C’est elle qui a tout changé. C’est elle qui m’a ouvert une porte : “T’as quelque chose à dire, Stéphane.”
Quand je suis entré dans le monde du théâtre, j’avais déjà une étiquette : “spécial”. Pas dans le sens flatteur du terme là. Plutôt celui qu’on donne à quelqu’un qui ne cadre pas tout à fait. Celui qui a l’air différent. Parce que oui, j’suis hydrocéphale, avec une malformation visible à la tête. Et ça, j’l’ai porté toute ma vie à la fois comme une force… et comme une faiblesse.
Pendant longtemps, j’me suis caché. Curieux, hein ? D’avoir choisi un métier où faut se montrer. Mais c’est arrivé comme ça : le théâtre, pour moi, c’est devenu une façon d’être vu autrement. Pas comme “le gars bizarre”, mais comme quelqu’un qui habite sa différence.
J’ai compris aussi que le théâtre, dans son essence, valorise la différence, mais que les gens de théâtre, eux, pas toujours. Souvent, on veut que tout le monde joue pareil, parle pareil, bouge pareil. Moi, j’pouvais pas aller sur le terrain du “jeune premier”. Fallait que je sois visible autrement. Alors j’ai joué avec ce que j’avais : l’intensité, la passion, le trouble, la folie, la force brute. C’est là que j’ai trouvé ma place.
Aujourd’hui, j’travaille sur Des histoires pour ce monde-là. Et j’me rends compte que ce spectacle me ramène directement là d’où je viens. Dans les ruelles, les galeries, les quartiers où les gens disaient : “La culture, c’est pas pour nous autres.” C’est touchant, mais c’est pas toujours facile. Parce qu’à chaque répétition, j’me revois un peu là-bas, petit gars qui se cache pis qui pensait qu’il avait rien à dire.
Pis à deux semaines de la première, ben, faut croire que j’laisse échapper un peu de vapeur.Pas parce que j’suis découragé, mais parce que je sais que je peux pas tout garder pour moi. Si je garde tout ça en dedans, ça finit par se mêler au spectacle pis c’est jamais bon signe. Alors j’vous parle. J’ouvre une petite fenêtre. J’vous partage un bout de vie, juste pour me rappeler que c’est pas une faiblesse de douter.
Parce qu’au fond, c’est ça, le théâtre :avoir peur pis avancer pareil,pis se rappeler que ce monde-là, c’est aussi le mien.
Tant que j’aurai des histoires à raconter,tant qu’il y aura du monde pour m’écouter un brin, j’vais continuer d’vous parler.
— Stéphane Bélanger créateur du Théâtre du Mauvais Garçon



Commentaires