Frais de service : une taxe déguisée sur la culture
- Le Théâtre du Mauvais Garçon
- 4 sept.
- 3 min de lecture

J’adore aller voir des spectacles à Trois-Rivières. Encourager la relève, applaudir nos troupes locales, découvrir des pièces plus établies : c’est ce qui fait battre le cœur d’une ville qu’on dit « culturelle ». Mais depuis un moment, un détail vient tout gâcher : les fameux frais de service.
J’ai acheté récemment un billet pour aller voir Sam Vignault, un humoriste de la relève. Le prix affiché : 25 $. En réalité ? 5 $ de frais de service ajoutés, soit 20 % du billet qui disparaît avant même d’arriver à l’artiste.
Autre exemple : le Théâtre des Gens de la Place, une troupe amateure passionnée qui présente Les femmes de Molière en septembre. Un billet à 28 $, dont 5 $ de frais. Là encore, près de 18 % de frais qui ne vont pas aux activités de la troupe.
Et pour une pièce professionnelle comme Michelin ? Un billet à 49 $, avec 7 $ de frais de service. Un peu moins en proportion (14 %), mais ça représente tout de même un montant important que l'on demande en surplus.
Peu importe qu’on parle d’humour de la relève, de théâtre amateur ou de productions établies : le spectateur se retrouve systématiquement à payer entre 14 et 20 % de plus que le prix annoncé.
Une barrière à l’accessibilité
On dit souvent que la culture doit être accessible. Mais imaginez une famille de quatre qui veut aller au spectacle : ça fait 20 à 28 $ de plus en frais, uniquement pour avoir eu l’audace d’acheter des billets. Pour plusieurs, c’est la différence entre sortir… ou rester à la maison.
Ces frais créent un sentiment de flou, voire de trahison. On croit encourager directement nos artistes, mais une part non négligeable de l’argent se perd dans les méandres du système de billetterie.
Une “fonctionnarisation” de la culture
Ce problème n’est pas isolé. Il reflète quelque chose de plus large : la "fonctionnarisation" de la culture. Une grosse machine à faire tourner, avec ses plateformes, ses gestionnaires, ses systèmes automatisés.
On a multiplié les structures, les comités, les frais de gestion. Et au bout du compte, ce sont les spectateurs qui paient la facture… et les artistes qui reçoivent de moins en moins. La culture devient un produit administratif, géré comme un formulaire, au lieu d’être vécue comme un échange vivant entre le public et les créateurs.
Ces frais de service sont le symbole de cette dérive : un argent qui ne va ni à l’artiste, ni au projet, mais qui entretient une mécanique.
Et le “service”, c’est quoi exactement ?
Imprimer un billet ? Envoyer un courriel automatique ? Laisser tourner un site web ? À ce prix-là, on s’attendrait à ce que le “service” inclue au minimum un verre de vin et un sourire.
Dans d’autres domaines, on trouverait ça ridicule. Acheter une pizza 20 $ et se la faire facturer 24 $ parce qu’on a “osé passer une commande”. Commander une bière 5 $ au bar et payer 6 $ “pour l’ouverture de la bouteille”. On rirait jaune.
On pourrait appeler ça un pourboire… mais un pourboire, c’est justement le client qui choisit de le donner, s’il est satisfait du service. Ici, on parle d’un pourboire obligatoire, imposé d’avance, et qui ne va même pas à ceux qui offrent réellement l’expérience culturelle.
Trois-Rivières, ville culturelle ?
On aime se vanter que Trois-Rivières est une ville culturelle. Mais surtaxer le public pour le simple geste d’acheter un billet, est-ce vraiment le meilleur moyen d’encourager les arts ?
La culture a besoin de soutien, pas d’une taxe déguisée. Les artistes, les troupes et les spectateurs méritent mieux qu’un système qui draine entre 14 et 20 % de chaque billet sans transparence.
Conclusion
Un billet de spectacle ne devrait pas coûter plus cher parce qu’on a cliqué sur “payer”. La culture, ce n’est pas un luxe à surtaxer. C’est un droit collectif, une richesse à partager.
Alors, posons la question clairement : à qui servent vraiment ces frais de service ? Certainement pas aux artistes. Certainement pas au public.
Et si on veut que Trois-Rivières reste une ville culturelle vivante, il faudra un jour oser briser la machine et remettre la culture entre les mains de ceux qui la font… et de ceux qui la vivent.



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