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Quand la culture devient une machine…



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Moi, j’connais plein de monde qui vivent grâce à la culture. Mais j’en connais pas mal moins qui réussissent à vivre de la culture.


Ça peut paraître pareil à première vue, mais c’est pas du tout la même chose.

Aujourd’hui, pour faire un spectacle, monter une expo ou organiser un festival, t’as besoin d’un paquet de monde : une coordonnatrice, un chargé de communication, un responsable de la médiation, quelqu’un aux communications numériques, quelqu’un d’autre pour remplir les formulaires de subvention, pis un pour faire les bilans après. Pis quand tu reçois la subvention (si tu la reçois), ben y’a aussi un évaluateur qui va checker si t’as eu l’impact que t’avais promis d’avoir.


Pis pendant ce temps-là, l’artiste court partout, fait tout avec presque rien, pis finit par être le seul de la gang à pas être payé à l’heure.


C’est ça qu’on vit.


Avant, tu faisais de la culture parce que t’avais quelque chose à dire.Aujourd’hui, faut que tu prouves que ton idée est pertinente, porteuse, ancrée dans la communauté, verte, inclusive, structurante… Pis si t’as pas les bons mots dans ton formulaire, on passe au suivant.

On demande plus aux artistes de créer.On leur demande de gérer des projets. De remplir des cases. De produire du contenu mesurable. On leur demande d’être des gestionnaires de « business ».


C’est comme si faire une pièce ou écrire un conte, c’était pas suffisant.Faut maintenant expliquer pourquoi t’as eu envie de le faire, pour qui exactement, avec quel impact prévisible, pis quel genre d’animation t’as prévu autour. Pis à la fin, faut que tu rédiges un bilan pour justifier ton 500 piastres.


Pendant ce temps-là, le système, lui, grossit.

Des gens très compétents, très motivés, travaillent dans les structures culturelles. J’ai rien contre eux. Ce sont pas eux le problème. Le problème, c’est le déséquilibre. C’est qu’on a bâti une énorme machine administrative autour de la culture… pis on oublie de mettre de l’essence dans le moteur.


Ce moteur-là, c’est la création.

Pis la vérité plate, c’est qu’on met souvent plus d’argent dans la gestion de la culture que dans la culture elle-même.On paie des gens pour analyser les demandes des artistes, mais pas les artistes pour créer.On engage des firmes pour évaluer l’impact d’un événement culturel, mais on n’a pas de budget pour un cachet digne de ce nom.

C’est comme si on avait oublié pourquoi on faisait ça au départ.


La culture, c’est pas une paperasse. C’est pas un plan stratégique. C’est pas un taux d’engagement sur les réseaux sociaux.


La culture, c’est une parole vivante. C’est une chanson qui reste dans la tête d’un enfant. C’est une pièce qui te fait rire ou pleurer ou réfléchir. C’est un livre que tu lis en cachette la nuit. C’est une légende racontée dans une ruelle. C’est une personne sur scène qui parle, pis tu te dis : ben voyons, on dirait qu’elle parle de moi.


Ça, c’est la culture.Pas un tableau Excel.

Mais plus ça va, plus on étouffe ça sous des tonnes de paperasse. Plus on demande à l’artiste d’être tout sauf un artiste, moins il fait de l’art. Faut qu’il sache vendre son projet, le « marketer », le défendre devant un comité, le justifier après, pis montrer qu’il a atteint des objectifs qu’il a lui-même inventés pour que sa demande passe.


C’est pas mal ça, aujourd’hui, être un artiste professionnel.

C’est rendu qu’on a plus de monde pour organiser la culture que pour la faire.C’est pas compliqué : on a fonctionnarisé la culture.


Pis là, faut se poser la question : est-ce qu’on veut une culture vivante ou une culture bien gérée?Est-ce qu’on veut que les artistes créent ou qu’ils remplissent des formulaires?

Parce qu’on peut pas demander les deux à la fois. Pas sans les brûler.Pis c’est ça qu’on fait : on brûle nos créateurs à petit feu pendant que la machine tourne en rond.

Ce texte-là, j’l’écris pas pour chialer. J’l’écris pour réveiller.Parce que si on veut que la culture reste vivante, faut qu’on redonne du souffle à ceux qui la portent.Faut pas juste parler d’accessibilité ou de diffusion. Faut parler de création. De temps. D’espace. De confiance. D’écoute.


Parce que c’est beau une politique culturelle.Mais c’est encore plus beau un artiste qui a le temps de créer sans s’épuiser à prouver qu’il mérite d’exister.


 
 
 

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