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Sanford Meisner : L’écoute et la vérité de l’instant

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1. Contexte


Sanford Meisner (1905–1997) est l’un des grands pédagogues américains du XXᵉ siècle. Comme Strasberg et Adler, il commence au Group Theatre dans les années 1930, et participe à l’importation des idées de Stanislavski aux États-Unis.


Mais rapidement, il se détourne de Strasberg. Là où ce dernier insistait sur la mémoire affective, Meisner estime que cette méthode enferme l’acteur dans sa psychologie. Pour lui, le jeu ne doit pas être une introspection douloureuse mais un état de disponibilité totale à l’instant présent.


Il développe alors une pédagogie centrée sur l’écoute, qui deviendra l’ADN de la « Meisner Technique ». Ses exercices, notamment la célèbre répétition verbale, sont encore pratiqués dans le monde entier.


2. Idée-force


Meisner résumait son approche par cette phrase :« Jouer, c’est vivre vraiment dans des circonstances imaginaires. »


Trois idées fortes :

  • La vérité de l’instant : l’acteur ne doit pas jouer une émotion, mais réagir sincèrement à ce qui se passe devant lui.

  • L’écoute absolue : l’attention portée au partenaire est le moteur du jeu.

  • La spontanéité : mieux vaut une réaction vraie et imparfaite qu’une interprétation préparée et figée.


Ses exercices visent à déraciner les automatismes et à replacer l’acteur dans la fluidité du moment présent.


3. Aspect critique


La technique Meisner a de grandes forces :


  • Elle libère l’acteur de la tyrannie de la mémoire affective.

  • Elle place le partenaire et l’écoute au centre du jeu.

  • Elle permet d’obtenir des performances naturelles, sincères, d’une grande fraîcheur.


Mais elle a aussi ses limites :


  • Risque de superficialité : certains critiques estiment que, réduite à la répétition, la méthode peut manquer de profondeur si elle n’est pas reliée à une analyse dramaturgique solide.

  • Dépendance au partenaire : si l’autre acteur n’est pas engagé, l’exercice peut vite tourner à vide.

  • Caricature pédagogique : comme Strasberg ou Adler, Meisner a parfois été réduit à un « truc » (la répétition), alors que sa pensée est beaucoup plus vaste.


Au cinéma, sa technique a trouvé un terrain fertile, donnant des jeux spontanés et vibrants. Mais sur scène, certains estiment qu’il faut compléter son approche par une conscience plus construite de l’espace, du texte, du style.


4. Exemple pratique


Exercice : La répétition Meisner

  1. Deux acteurs se font face. A observe B et dit une phrase neutre basée sur une observation : « Tu as une chemise bleue. »

  2. B répète exactement la même phrase : « J’ai une chemise bleue. »

  3. Le va-et-vient continue, avec des variations de ton, de rythme, d’intention, dictées uniquement par l’instant présent.

  4. Petit à petit, le dialogue se charge d’émotion, de tension, sans qu’aucune « invention » psychologique ne soit nécessaire.


But recherché : développer l’écoute, la spontanéité, la sincérité de la réaction. L’acteur cesse de jouer « une idée du personnage » pour vivre vraiment la situation.


5. Conclusion – Ouverture

Sanford Meisner a redonné à l’acteur une vérité simple : écouter, réagir, être présent. Sa pédagogie rappelle que le jeu n’est pas une construction cérébrale, mais une rencontre vivante entre deux êtres dans un contexte imaginaire.

Mais si Meisner a recentré le théâtre sur l’instant présent, d’autres ont voulu déplacer le regard vers un horizon plus vaste : le spectateur. Que se passe-t-il quand le théâtre cesse d’être centré sur l’acteur pour devenir un outil de conscience politique et critique ?

C’est à cette question qu’a répondu Bertolt Brecht, dont nous explorerons la pensée dans le prochain billet.

 
 
 

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