Cette fois-ci, Stéphane Bélanger me demande un texte sur… Nous n’avions pas vraiment eu de discussion, j’ai donc décidé de vous parler de la chance que j’ai eue ou de celle que je me suis faite…
Le premier paragraphe, c’était ce que j’avais écrit comme début de texte en décembre dernier… Pas envoyé à Stéphane parce que je ne le sentais pas encore… J’ai proposé l’idée de réécrire le texte et de vous parler de mon ami Bertrand Falisse, oui, oui le Bertrand que beaucoup d’entre vous connaissent bien ou un peu, être taciturne (parfois) et pince-sans-rire (souvent).
Ça se passait quelque part à l’été 2004, il me semble. J’étais alors en charge et propriétaire d’une compagnie de gestion de personnel technique dans la région de Trois-Rivières, Gestion en Coulisse, vous ne connaissez peut-être pas, pas grave, elle n’existe plus de toute façon… Bref, j’ai reçu un CV intéressant avec nom inconnu pour moi, Falisse ! Ça m’a intrigué, un éclairagiste Belge, comme Tintin, qu’est-ce qu’il fout à Trois-Rivières… Une rencontre est prévue pour au moins voir l’individu, on verra ce que ça donne… Arrive donc un gaillard un peu rondelet, chevelu surtout sur la figure et un peu clairsemés presque jusque sur l’occiput. Évidemment, il devait avoir également son « éternel » café glacé de Tim Horton’s (marque déposée, je sais). Ce café fera époque dans ma vie et « surtout » dans celle de Bertrand. Après quelques échanges cordiaux sur la technique, ses « machines » à lui, ses connaissances sur l’éclairage et tous les autres « gna,gna » d’usage. Me voilà à poser une question qui est maintenant sûrement interdite pendant une rencontre d’embauche… Mais, que diable brave homme faites-vous au Québec ? Et voilà le coup de massue en plein visage, le coup de poing assassin… Je suis au Québec par amour d’une gente dame… WOW, peut-être que je ne l’ai jamais avoué au principal intéressé, mais j’étais conquis comme la gente dame, mais rassurez-vous à un autre niveau…
Ici s’impose une mise au point, j’ai été propulsé à la direction d’une compagnie par la force des choses, et j’ai toujours agi « malheureusement » par instinct… Ce n’est pas bien, mais que voulez-vous je suis comme ça « instinctif ». Ceux qui m’ont rencontré pour une demande d’emploi n’avaient que quelques secondes pour me conquérir…
Mais revenons à ce Belge amoureux et « intense », car Bertrand est intense croyiez-moi, par contre c’est le plus minutieux que je connaisse et le plus « Européen » dans son travail, je veux dire par-là doté d’une vitesse relative et différente de celle du Québec, qu’à cela ne tienne les résultats sont « impressionnants ». Les éclairages de Bertrand sont « intérieur », il y a une raison pour la conception de telle ou telle pièces de musique par exemple, pas du « fast-food » lumière comme j’en vois parfois « ou trop souvent, maintenant ». La vitesse du travail de Bertrand a peut-être au début été interprétée à tort pour de la lenteur alors que c’était du perfectionnisme. Malheureusement, notre milieu et perfectionnisme ne rime pas toujours, on pourra en discuter un jour…
Mais, n’allez pas croire que le ciel bleu de la Belgique n’a jamais été sans nuage entre lui et moi. L’intensité de Bertrand est dans tout, nous avons eu des échanges épistolaires qui étaient parfois évidemment « intense ». Il arrivait parfois que Bertrand se « défoule » de sa journée de travail qui ne s’était pas déroulée à son goût sur ou avec moi. C’était très gratifiant de voir sa version de certaines situations. Ne pas être d’accord avec les raisons de « l’autre », quel qu’elles soient est tout à fait naturel, soit dit en passant, et vouloir en débattre fait avancer les choses pourvu que le débat reste un tant soit peu civilisé, ce qui était le cas avec Bertrand. J’adorais ces échanges, j’y voyais un autre côté du travail que je ne voyais pas toujours faute de temps ou faute de la vie… Sa vision était toujours teinté de solutions, ben oui, c’est beau de ne pas aimer ou partager une vision, mais de proposer des solutions c’est super… D’ailleurs vous pouvez toujours vous renseigner sur la signification de « solution »…
Nous avons même eu notre période de séparation, et oui, notre vision commune s’est dissipée dans le déluge du travail et de la course à l’armement nucléaire (ceci est une métaphore évidemment). Mais avec la diplomatie et l’acceptation de l’autre, je présume, nous vécûmes des jours heureux, mais nous n’avons pas eu beaucoup d’enfants. Puis, un jour d’une fin d’été particulièrement difficile pour moi et assurément pour lui… Il m’a avoué tout simplement qu’il était atteint de 3 cancers, l’endroit du poison restera entre lui et moi, certains le savent peut-être, mais c’est inutile d’en savoir plus.
Depuis ce jour, je m’inquiète, demande des nouvelles fréquemment, je deviens peut-être presque harcelant. Je ne comprends pas évidemment, qui comprend, les éternelles questions (ben oui, je me questionne toujours sur tout). Pourquoi ? Jusqu’à quand ? As-tu mal ?
Je lui ai demandé de continuer à travailler un peu avec moi, sur mes derniers projets symphoniques… Il a dit oui, il ne refuse jamais rien, c’est d’ailleurs probablement pour ça que les cancers se sont ancrés en lui. Il est tellement ouvert au travail, à la discussion, à la recherche de connaissances nouvelles que les cancers ont trouvés un terreau fertile faut croire… Je m’égare… De l’avoir avec moi me sécurise, je peux voir l’amélioration ou la détérioration de sa santé, par texto ou au téléphone on peut mentir…
Plus le temps passe et moins il en reste, c’est comme ça pour nous tous, mais pour Bertrand, le moins est de moins en moins loin… Comment dire à un ami qu’on l’aime, comment dire à un collègue, un ancien employé, mais toujours un ami que l’on a peur pour lui, faut que je sois fort, que je l’inspire, faut que je lui donne la force d’accepter…
Bertrand aime la neige, il « trippe » beaucoup lorsqu’il neige, alors, pour le reste de ma vie la neige me rappellera Bertrand, ça y est tu as réussi Bertrand… Tu seras avec moi éternellement, croyais-tu vraiment qu’il en serait autrement ? Tes cannettes de Coke, même au Festivoix commandité par Pepsi me manqueront, de même que ce regard complice dans l’adversité, je crois que nous avons eu une belle relation d’amitié.
Au début du texte, je vous ai dit que Bertrand était venu au Québec par amour d’une gente dame, et bien maintenant c’est nous tous ses amis et connaissances qui sont en amour avec ce GRAND ÊTRE HUMAIN…
Je t’aimerai toujours Bertrand, tu m’inspires, je redoute ton départ, mais je l’accepterai…
Merci pour le chemin parcouru ensemble Bertrand…
Jean
xx
PS Ce texte fut conçu en écoutant l’album de Sting, « Songs from the labyrinth »
Comments